«Le besoin de travailler, c’est-à-dire d’avoir une action sur le monde, revêt de multiples formes dont l’aboutissement ultime est, à mon avis, la créativité au sens artistique du terme. Le créateur ou l’artiste ne se contente pas de produire un objet utile, mais il investit cet objet de sa subjectivité, de son ressenti personnel : il va incarner dans son oeuvre son idea c’est-à-dire le projet, la vision qu’il porte en lui et dans laquelle d’autres vont se retrouver, car la création artistique, acte gratuit, sans «utilité» réelle, est une activité symbolique qui s’adresse au plus profond de l’être. D’ailleurs, pour la qualifier, nous utilisons le langage du coeur et de l’âme : face à une oeuvre d’art, nous nous déclarons «émus», «touchés», «bouleversés». Ce n’est pas l’usage que nous pouvons en faire qui nous interpelle mais sa dimension esthétique et symbolique gratuite. Nous sommes tous des créateurs. Nous avons au plus profond de nous, une dimension artistique que nous laissons s’exprimer - ou, au contraire, que nous inhibons, souvent par crainte du jugement des autres, de ce que ce regard dont nous redoutons qu’il ne porte pas seulement sur notre oeuvre, mais aussi sur notre être profond, sur l’esprit et l’essence qui nous sont propres et qui s’expriment à travers cet oeuvre.»,
p 40, Frédéric Lenoir, Petit traité de vie intérieure, Plon (Pocket), 2010